Les Cahiers de l’Automne Recycleries : réparer, réemployer, réinsérer
Abylon consacre ses Cahiers de l’Automne aux lieux innovants qui voient le jour depuis plusieurs années sur tout le territoire. Ces espaces collaboratifs transforment la relation des citoyens à la ville. Après avoir scruté les fablabs, les coworkings et les jardins partagés pour comprendre les nouveaux usages qui s’y développent, nous consacrons le dernier article de notre série à des lieux qui mêlent développement durable et inclusion sociale : les recycleries.
Tiers-lieux dédiés à l’écologie, les recycleries sont présentes sur tout le territoire. En 2017, on dénombrait 2400 recycleries en France. Ces lieux de collecte, de réemploi et de revente d’objets qui seraient sinon jetés, cumulaient la même année un chiffre d’affaire de 400 millions d’euros. En donnant une seconde voire une troisième vie à certains objets, les recycleries s’imposent aujourd’hui comme des acteurs incontournables de l’économie circulaire et de l’économie sociale et solidaire. Ces tiers-lieux se développent sous l’effet des changements des modes de consommation : une étude l’ADEME publiée en mars 2020 montrait en effet que 97% des Français ont déjà pratiqué le réemploi et 76% ont déjà acheté des biens d’occasion. Par leurs actions de sensibilisation à l’écologie, les recycleries renforcent cette tendance et apportent des solutions pour un quotidien plus durable, tout en participant à l’insertion de publics en difficultés. Quelle dynamique une recyclerie peut-elle insuffler à un territoire ? Comment ces lieux fonctionnent-ils ? Pour vous, Abylon s’est penché sur la question.
À quels besoins du territoire et de ses habitants une recyclerie répond-elle ?
Chaque année, 80 000 tonnes de déchets potentiellement réutilisables sont produits à Paris. Aujourd’hui, les recycleries soutenues par la capitale réussissent à détourner environ 3 000 tonnes de déchets de l’enfouissement ou de l’incinération en favorisant leur réemploi. Ces objets sont souvent revendus à bas prix, ce qui facilite l’accès à certaines marchandises à des familles en situation de précarité. Les recycleries sont ainsi des structures à mission écologique, sociale et économique. On peut distinguer quatre piliers dans leur action :
- Réduire les déchets, trier, réparer : c’est la dimension la plus visible de l’action des recycleries. Elles organisent des collectes de déchets, leur tri, réparent les équipements qui peuvent l’être puis les revendent à prix réduit. En cela, ce sont des espaces qui participent activement à la réduction des déchets produits sur le territoire.
- Sensibiliser à l’écologie : corollaire des actions de collecte, de tri et de réemploi, les campagnes de sensibilisation font aussi partie des actions menées par les recycleries. Ce sont des lieux d’information sur la protection de l’environnement, le recyclage et l’économie circulaire. Des ateliers d’information ou des stages d’initiation à la réparation d’objets sont par exemple souvent organisés. Certaines recycleries vont même jusqu’à produire leurs propres médias pour sensibiliser à ces thématiques : blogs, podcasts, etc.
- Favoriser le retour à l’emploi de publics vulnérables : structures de l’économie sociale et solidaire, les recycleries participent à la réinsertion de personnes en situation de précarité. Elles créent des emplois pour assurer les différentes missions de collecte, tri, logistique, vente ou réparation. Ainsi, en région PACA, 523 personnes étaient employées dans les recycleries en 2019.
- Créer du lien social : par l’accueil du public et le montage de partenariats avec des acteurs locaux, les recycleries insufflent une dynamique positive sur le territoire. Ce sont des lieux de rencontre et de convivialité qui participent de l’animation de proximité.
Quelles conditions réunir pour ouvrir une recyclerie ?
Comme les autres tiers-lieux, les recycleries s’appuient avant tout sur une communauté d’usagers. Qu’ils soient à l’origine de sa création ou des early adopters des services proposés, ce sont les usagers qui font vivre le lieu. Ainsi, il est nécessaire de comprendre leurs besoins, en lien avec les opportunités offertes par le territoire. Des outils d’intelligence collective comme les ateliers de design thinking que nous proposons dans notre offre Innovation s’avèrent très utiles pour faire émerger les objectifs communs au moment de la création d’une recyclerie. Trier, réparer, réemployer demande des compétences. Les recycleries sont des lieux de transmission de connaissances et de savoir-faire, elles doivent pouvoir compter sur l’expertise de certains de leurs membres pour en former d’autres et développer leurs activités. Le soutien des collectivités territoriales est souvent crucial. L’équilibre financier des recycleries est complexe à trouver. En cela, la collectivité peut soutenir leur émergence via la mise à disposition de locaux, et ce d’autant plus que les recycleries aident activement les territoires à réduire le volume de déchets qu’ils produisent.
Quel modèle économique pour les recycleries ?
Le modèle économique d’une recyclerie est toujours complexe. Comme elles participent à la réduction de la quantité de déchets sur le territoire et qu’elles s’engagent pour la réinsertion de personnes en difficultés, les recycleries bénéficient souvent du soutien des collectivités territoriales. Les recycleries agréées Atelier Chantier d’Insertion bénéficient en outre d’emplois aidés dans les premières années de leur existence. Aujourd’hui, on estime que les recycleries sont auto-financées à environ 40%.
Face à ces difficultés de financement, certaines recycleries ont choisi de proposer des offres spécifiques aux particuliers ou aux entreprises. Ainsi, Étu’Récup, la recyclerie du campus de Pessac (Gironde), récupère les objets laissés par les étudiants lors de leur déménagement. Elle propose aussi de nombreux ateliers : couture, zéro déchet, réparation de vélos… Lorsqu’elles mettent leurs compétences au service des entreprises, les recycleries tendent à se spécialiser dans la collecte et le recyclage de certains types de déchets. Les Ressourceries des Biscottes (Maine-et-Loire) ont ainsi conçu une offre de retraitement des déchets pour les entreprises qui renouvellent leur mobilier. Dans un autre domaine, Recyclo’Bat, à Toulouse, travaille comme prestataire d’entreprises du bâtiment : elle collecte les déchets et assure des missions de nettoyage de chantier ou de déconstruction. Un positionnement habile pour pérenniser la structure.
Quels éléments pour assurer le succès d’une recyclerie ?
La mise en réseau des recycleries sur un territoire favorise la coopération et crée des synergies bénéfiques à l’ensemble des tiers-lieux concernés. Grâce à ce travail en réseau, les recycleries peuvent mutualiser certains outils, ce qui leur permet de réduire leurs coûts de fonctionnement, mais aussi partager leurs expériences et savoir-faire pour développer de nouveaux services. Dans l’ancienne région Limousin, une dizaine de recycleries se sont rassemblées au sein de l’association Dynamique Régionale pour collaborer autour de projets communs. Ce mode de fonctionnement coopératif offre des espaces d’échanges pour imaginer des projets à plus grande échelle. Ils contribuent aussi à donner plus de visibilité aux recycleries.
Les partenariats avec les collectivités territoriales constituent également un facteur de succès des recycleries. En effet, recycleries et collectivités mènent ensemble des actions plus transversales sur le territoire. Pour les collectivités, les recycleries sont des partenaires et des relais pour valoriser des projets de territoire relatifs à l’environnement et à l’inclusion sociale. Du côté des recycleries, les collectivités facilitent le développement de nouvelles activités. Par exemple, les collectivités territoriales peuvent apporter leur expertise pour le montage de projet, notamment avec un diagnostic de territoire ou un accompagnement technique et financier. Parfois, les collectivités territoriales apportent une aide matérielle aux recycleries par la mise à disposition de locaux.