Sous l’effet du changement climatique, les catastrophes naturelles se multiplient. Plus fréquentes, elles sont aussi plus intenses, avec par conséquent des impacts négatifs plus forts sur l’environnement et les activités humaines. Pour répondre à ces enjeux, l’État et les collectivités territoriales se dotent de plans de prévention et d’intervention renforcés. Avec une difficulté : prendre en compte les très nombreux facteurs de risques. En effet, le volume de variables à traiter est tel que les prévisions se révèlent rarement précises. D’où la force des outils fondés sur l’intelligence artificielle : leur capacité d’apprentissage leur permet d’analyser des ensembles de données massifs et disparates.
Capables de dégager de grandes tendances, ces outils établissent des liens entre chacune des variables pour mieux anticiper les risques. Ainsi, l’intelligence artificielle apparaît comme un outil puissant pour apporter des réponses plus efficaces en cas de catastrophes. Mais, concrètement, que peut-on demander à ces outils ? Quelles sont les réponses qu’ils sont en mesure d’apporter ? Zoom sur des outils qui permettent de mieux comprendre la contribution de l’IA à la prévention et à la gestion des catastrophes.
La force de l’intelligence artificielle, c’est d’analyser un nombre important de données pour pouvoir créer des systèmes d’alerte précoces. En effet, détecter les signaux faibles contribue à déployer plus rapidement un plan d’action adapté. Or, la prévention est le parent pauvre de la gestion de crise : entre 1991 et 2010, 12,7% seulement des dépenses mondiales liées aux catastrophes naturelles étaient consacrées à la gestion des risques. Les 87,3% restants couvrent les interventions d’urgence, la reconstruction des espaces, la réhabilitation des bâtiments. On estime pourtant qu’investir 1 dollar dans l’atténuation des risques permettrait d’en économiser 4 dans le processus de reconstruction. Une bonne raison d’adopter des solutions d’intelligence artificielle pour mieux anticiper et surmonter les crises.
Prévenir la survenue d’une crise sanitaire avec l’intelligence artificielle
Anticiper les épidémies. La start-up canadienne Blue Dot a développé un outil capable d’anticiper les crises sanitaires, notamment les épidémies. Elle fait d’ailleurs partie des premiers à avoir lancé l’alerte sur le risque d’épidémie lié à l’apparition du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19. L’algorithme de Blue Dot s’appuie essentiellement sur deux types de données : des articles de presse et les données du trafic aérien. En passant en revue des centaines de milliers d’articles qui paraissent chaque jour et en les croisant en temps réel avec les déplacements internationaux, l’intelligence artificielle de Blue Dot suit les risques de propagation des maladies infectieuses. La start-up envoie ensuite des alertes à ses clients : agences gouvernementales, hôpitaux, compagnies aériennes… Ce qui contribue à accélérer la réponse apportée à un problème de santé publique émergent.
Prévenir les famines. Afin d’anticiper les risques de famines et d’y apporter une réponse avant qu’il ne soit trop tard, la Banque mondiale a développé le Famine Action Mechanism (FAM). Ce dernier repose sur un système d’alerte précoce : grâce à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage automatique, il est capable de détecter des signaux faibles qui peuvent mener au déclenchement d’une crise alimentaire. Il prend en compte de nombreux paramètres (qualité des récoltes, sécheresse, instabilité politique, niveau d’inflation…) pour offrir un panorama complet de la situation alimentaire d’un pays ou d’un territoire. En cas de risque, la Banque mondiale, en lien avec les bailleurs de fonds internationaux et les ONG, déclenche des plans d’actions et les financements associés. Des informations précieuses pour intervenir plus rapidement et plus efficacement, et atténuer les conséquences de la crise.
Prévoir le manque d’eau. La plateforme internationale Water, Peace and Security (WPS) a été mise en place par des universités, des ONG et des think tanks travaillant sur les enjeux liés à l’eau. Les partenaires ont développé un algorithme qui analyse les données mondiales disponibles en matière de précipitations, de sécheresses et de mauvaises récoltes, qu’il croise aussi avec des variables socio-économiques à l’échelle régionale ou nationale. Le but : anticiper le manque d’eau pour prévenir les conflits liés à son approvisionnement. Cet outil pensé pour les décideurs est consultable en ligne. Les projections sont faites environ un an à l’avance.
Prévenir les catastrophes environnementales avec l’intelligence artificielle
Détecter les prémices de séismes. Déchiffrer les signes avant-coureurs de tremblements de terre, c’est ce qu’a cherché à faire un groupe de chercheurs de l’université de Stanford. Pour cela, ils ont développé un algorithme d’intelligence artificielle, Earthquake Transformer. Ils lui ont soumis deux types de données :
- Plus d’un millions de données enregistrées par des sismographes partout sur la planète pendant 20 ans
- Les données de mouvement du sol récoltées pendant les 5 semaines qui ont précédé le séisme de Tottori (Japon), qui a eu lieu en octobre 2000
Les premiers résultats de cette recherche sont très encourageants. Earthquake Transformer offre un niveau de précision proche des analystes humains, tout en étant plus rapide. Il est aussi capable de détecter et de localiser plus d’événements en utilisant moins d’un tiers des stations sismiques habituellement nécessaires. En d’autres termes, il est assez efficace pour caractériser des événements de faible intensité qui sont les prémices de séismes majeurs. Ce qui en fait un outil utile aux décideurs pour anticiper la crise et les réponses à y apporter.
Être préparé à faire face à des inondations. En partenariat avec le gouvernement indien, des chercheurs de Google se sont intéressés au comportement des différents cours d’eau du pays. En s’appuyant sur des milliers d’images satellites, ils ont développé un outil capable de créer un modèle numérique du relief du pays. À partir de cette modélisation numérique, les chercheurs ont lancé des milliers de simulations, qu’ils ont croisées avec des données en temps réel fournies par le gouvernement. Ils ont ainsi pu faire émerger des scénarios. S’il apparaît que les conditions sont réunies pour qu’une inondation ait lieu, des alertes sont envoyées. Des informations cruciales pour prendre des décisions d’évacuation par exemple.
Anticiper les conséquences d’accidents nucléaires. Après la catastrophe de Fukushima, où un tsunami avait inondé une centrale nucléaire faisant plus de 20 000 morts et disparus, des chercheurs japonais ont cherché à mieux anticiper ce type d’accidents. Pour cela, ils ont créé une intelligence artificielle capable de croiser les variables mises en cause dans les catastrophes nucléaires et les conditions météorologiques dominantes. Grâce à cet outil, il est ainsi possible de déterminer le périmètre dans lequel la menace de radiation est la plus forte, jusqu’à 33 heures avant la survenue de l’accident. Là encore, il s’agit d’un temps précieux pour que les autorités puissent réagir.
Améliorer la gestion de l’urgence en s’appuyant sur l’intelligence artificielle
Appuyer les efforts des secouristes. Lorsqu’une crise survient, disposer d’informations précises en temps réel est nécessaire pour apporter une réponse rapide et efficace. C’est cet impératif qui a mené le Ministère de l’Énergie américain à créer le consortium First Five, dont le nom fait référence à l’importance des cinq premières minutes dans la réponse aux catastrophes naturelles. Celui-ci a pour mission de développer des outils à base d’intelligence artificielle pour gérer les catastrophes naturelles. Par exemple, dans le cas d’un feu de forêt, un outil développé par le consortium a vocation à analyser des jeux de données massifs en temps réel (températures des flammes, sens du vent…) pour guider les pompiers dans leur intervention. Ce sont également des éléments essentiels pour informer le public et, éventuellement, procéder à des évaluations ciblées.
Mieux prendre en charge les dommages. Le projet xView2, porté par le Defence Innovation Unit aux États-Unis, vise à apporter des informations sur l’état des bâtiments en fonction des chocs subis. Ce projet s’appuie sur des images satellites haute résolution qui sont annotées avec l’emplacement des bâtiments et des scores de dommages en fonction de catastrophes naturelles. Un outil utile pour prioriser les interventions.