PLU bioclimatique et Cop 28

30 novembre 2023

À l’heure où s’ouvre une COP 28 controversée à Dubaï où les grands dirigeants vont se réunir afin de discuter des défis climatiques globaux, une interrogation cruciale émerge : quelle place pour les territoires dans la lutte contre le réchauffement climatique et leur adaptation à ce dernier ? Si ces derniers sont peu intégrés dans les grandes instances internationales de nombreuses actions concrètes émergent. À l’image du Plan Local d’Urbanisme (PLU) bioclimatique de la Ville de Paris, résultat d’un parti pris innovant qui transforme un outil réglementaire traditionnel en un levier majeur d’action pour contrer les effets du changement climatique. Plongez dans ses avancées, ses défis et son approche inédite, alors que la métropole s’engage à devenir neutre en carbone d’ici 2050. Découvrez comment ce PLU, bien au-delà d’un simple document, s’inscrit dans une vision à long terme, (re)définissant l’esthétique urbaine et mobilisant l’ensemble des acteurs locaux pour une transformation écologique réussie.

 

Alors que se déroule à compter du 30 novembre 2023 la COP 28 à Dubaï, plus que jamais la place des villes et des territoires dans la lutte contre les conséquences des changements climatiques se pose. En effet, comme le rappelle le comité européen des régions, les villes sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et les collectivités locales sont à l’origine de plus de 70% des mesures visant à réduire les conséquences des changements climatiques et même 90% d’adaptation à celui-ci. Pourtant les structures de gouvernance de la transition écologique à l’échelle mondiale peinent à intégrer pleinement les villes et territoires dans les différentes instances en place – à l’exception de réunions non décisionnelles dédiées aux territoires et organisées en marge des événements. Question protocolaire et respect des souverainetés nationales, sûrement, mais ambivalence non résolue entre échelle de gouvernance et échelle d’action aussi. Cela a conduit les villes à s’organiser et à mettre en place le “C40” Cities Climate Leadership group mais aussi à des actions individuelles fortes, comme en atteste le nouveau PLU bioclimatique de la ville de Paris. 

En cette veille de COP 28, cette entrée en matière par la gouvernance permet de se poser la question de la place des territoires dans la lutte contre le réchauffement climatique ainsi que l’adaptation face à ce dernier. Pour cela, quoi de plus parlant que le nouveau PLU bioclimatique de la ville de Paris, qui réussit à innover en se saisissant d’un outil réglementaire poussiéreux afin d’en faire un levier d’action majeur en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. 

PLU bioclimatique, état d’avancement et définition 

Le PLU est un document d’urbanisme réglementaire opposable permettant pour le territoire de définir les grandes orientations d’aménagement, et qui réglemente l’ensemble des constructions de la ville. Les pistes de réflexion et différents axes portés par le PLU bioclimatique parisien peuvent in extenso s’appliquer à l’ensemble des zones urbaines tendues mais aussi aux PLU des territoires dits “périphériques” densément peuplés. Il n’aborde cependant pas certains enjeux majeurs des territoires de demain, à commencer par la question des surfaces commerciales, sujet structurant du zéro artificialisation nette prônée par le gouvernement via le “plan de transformation des zones commerciales”. Adopté le 5 juin 2023 en conseil de Paris, une enquête publique visant à discuter et amender le document avec les habitants va être lancée avant l’adoption par l’assemblée délibérante du texte final fin 2024 et une mise en vigueur en 2025.

Outil innovant, la prise en compte de la transition écologique dans les documents d’urbanisme n’est pas nouvelle pour autant, l’ADEME recense 12 PLU, 24 PLUi (PLU intercommunal) et 23 SCOT (schéma de cohérence territoriale) intégrant fortement la dimension de transition écologique dans leur réflexion. Cependant la ville de Paris via ce PLU bioclimatique va plus loin en faisant de ce document un outil global, et même total, au service de la transition écologique, mais simple effet d’annonce ou réel changement structurel ?

PLU bioclimatique Parisien, une approche innovante sur la lutte face au réchauffement climatique

La première des innovations réside dans son point de départ : une écrasante majorité des révisions de PLU sont motivées par le souhait d’augmenter les zones constructibles ou bien par la densification urbaine, tout l’inverse de la ville de Paris, qui, dès le départ a opté pour le parti pris de l’adaptation face au réchauffement climatique et ce, au risque de diminuer l’attractivité immédiate du territoire. L’intérêt de cette démarche est de faire le choix d’un arbitrage “temps long” qui permet de voir son territoire comme un capital qu’il convient de préserver pour le futur. 

Autre innovation, le souhait de faire de Paris une ville neutre en carbone d’ici 2050. Pour cela, un objectif est fixé :  10m2 d’espaces verts par habitant en agissant à la fois sur l’emprise foncière de la voiture mais aussi en requalifiant les cœurs d’îlots. Cette question centrale pour les territoires denses s’accompagne aussi de bonnes pratiques universelles telles que le développement de toitures végétalisées ou encore la fin des climatiseurs individuels avec l’obligation de raccordement au service public de l’énergie CPCU (compagnie parisienne de chauffage urbain). Ces mesures, loin d’être anodines, modifient en profondeur les différentes servitudes urbaines ainsi que l’esthétique de la ville, qui plus est à Paris, où le zinc des toits est emblématique pour habitants et touristes, mais catastrophique d’un point de vue bilan énergétique, et littéralement invivable l’été. D’autres mesures moins originales mais fortes permettent de renforcer par exemple, les transports en commun et mobilités actives ainsi que la préservation du patrimoine bâti touché par le tourisme de masse (butte de Montmartre). 

Pour que toutes ces mesures fassent sens et constituent véritablement un projet, elles s’accompagnent par l’instauration de zones de vie infra-municipales. Ces zones permettent aux habitants d’avoir un accès immédiat aux principaux commerces et services publics. Pour être viable, cette “ville du quart d’heure” se dote d’outils innovants – tels qu’une foncière commerciale, ou l’interdiction de transformer les espaces commerciaux en meublés touristiques – ainsi que d’une politique volontariste en matière de santé portant sur l’installation de 90 nouveaux centres de santé.

Mobiliser les acteurs locaux pour mettre en place ce projet

Mais l’ensemble de ces mesures ne seront réellement efficaces qu’à la condition d’embarquer les forces vives du territoire dans la démarche. Dans ce cadre, la démarche d’adoption du PLU est très cadrée et nécessite la mise en place d’une consultation citoyenne auprès de l’ensemble des habitants du territoire. Cette démarche de consultation obligatoire permet l’information et l’enrichissement du document qui sera in fine adopté mais ne permet pas de mobiliser tous les acteurs économiques du territoire. Si souvent leurs représentants peuvent être consultés au titre des experts, les acteurs à proprement parler sont à la fois peu sensibilisés et peu intégrés à la démarche. Pourtant à y voir de plus près, l’évolution économique des territoires conduit à une tertiarisation de l’économie s’appuyant de plus en plus sur les métiers du service. De plus, les mesures contenues dans le PLU bioclimatique s’adressent en grande partie aux acteurs économiques du territoire. Parmi ces actions y figurent notamment la lutte contre l’économie de la prédation, l’accélération de la mise en œuvre de la Foncière commerces, le fléchage de commerces afin qu’ils deviennent des services de proximité… Bref, autant d’actions qui nécessitent une médiation autant avec les habitants que les acteurs économiques afin – à minima – de les sensibiliser aux nouveaux enjeux du développement économique du territoire ainsi qu’aux conséquences de leurs activités sur le changement climatique. 

Aussi, il devient de plus en plus courant que des territoires mobilisent directement leurs acteurs économiques dans le cadre d’une consultation / séance d’information dédiée, que cela soit dans le cadre d’une contractualisation (exemple le renouvellement du Plan Climat Air Energie Territorial de Poitiers) ou bien d’une démarche de sensibilisation (Métropole Européenne de Lille par exemple). S’appuyer sur le renouvellement du PLU peut donc être l’occasion d’aller plus loin et de profiter d’une dynamique de co-construction forte afin de mieux intégrer les acteurs économiques du territoire.