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« Les Cahiers de l’Automne » Fablabs : échanger, fabriquer, innover

15 octobre 2020

Cet automne, Abylon explore les tiers-lieux, ces espaces innovants devenus aujourd’hui incontournables dans la ville. Porteurs de nouveaux usages, ils fédèrent autour de valeurs d’entraide, de développement durable et d’inclusion sociale. Dans ce premier article de la série “Les Cahiers de l’Automne”, Abylon s’intéresse à des tiers-lieux qui favorisent la créativité et l’innovation : les fablabs. 

Les fablabs ont émergé en France il y a une dizaine d’années. C’est en 2009, à Toulouse, qu’Artilect, le premier fablab de l’Hexagone, a ouvert ses portes. Depuis, le phénomène a pris de l’ampleur. Si les fablabs sont présents sur tout le territoire, on les retrouve principalement dans les grandes agglomérations. Mais de nombreuses villes moyennes ont elle aussi fait preuve de volontarisme pour se doter de ces équipements innovants. Cependant, ce sont souvent des acteurs de la société civile — associations ou entrepreneurs — qui portent des projets de fablabs sur leur territoire. Le soutien des collectivités territoriales, des universités et des autres acteurs du territoire (entreprises, associations…) s’avère pourtant déterminant pour l’émergence et le développement des fablabs. Pourquoi un tel engouement pour les fablabs en France ? Qu’en attendent les collectivités territoriales ? Et qu’en font leurs usagers ?

 

Qu’est-ce qu’un fablab apporte à un territoire ? 

Installer un fablab sur son territoire, c’est ouvrir un lieu de vie nouveau aux habitants, leur donner accès à des services innovants par la mutualisation des équipements. Un fablab, comme les autres tiers-lieux, est un espace ouvert à tous, qui permet les rencontres, les échanges entre des acteurs du territoire qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble ou de monter des projets main dans la main.

Ainsi, les fablabs sont des outils à la disposition des collectivités territoriales pour répondre à différents enjeux :

  • Créer ou renforcer le lien social : la notion de communauté d’utilisateurs est au cœur du fonctionnement des fablabs. Partage et entraide sont deux valeurs cardinales. Par nature, ce sont des lieux ouverts à tous : des usagers de tous âges s’y côtoient. Parfois, les fablabs poursuivent également une mission plus sociale, comme c’est le cas de La Fabrique à Strasbourg. Ce makerspace citoyen présente la spécificité d’être engagé dans la réinsertion de personnes en difficulté. Le recours au fablab permet ainsi à ces publics en situation de vulnérabilité de sortir de leur isolement. Ils sont incités à développer une idée entrepreneuriale et soutenus par les bénévoles dans sa concrétisation.
  • Faire émerger des projets professionnels : les fablabs sont des espaces de découverte et d’expérimentation, où les usagers peuvent partager leurs savoir-faire ou s’initier à des techniques de fabrication auprès d’autres membres de la communauté. Avec un accès facilité à des machines et la possibilité d’échanger avec des passionnés, les lycéens et étudiants peuvent trouver dans les fablabs les outils pour confirmer leur orientation ou leur projet professionnel.
  • Stimuler l’artisanat et l’entrepreneuriat : les fablabs mettent à disposition de tous des machines mécaniques ou à commande numérique pour réaliser des prototypes. Les porteurs de projets artisanaux ou entrepreneuriaux trouvent ainsi dans les fablabs un espace où tester une idée ou un concept à moindre coût. Les rencontres et les échanges peuvent éventuellement leur permettre d’enrichir leurs produits du savoir-faire des autres utilisateurs.
  • Acculturer et promouvoir de nouveaux usages dans le cadre de la transition écologique : les usagers des fablabs sont sensibilisés à la production d’objets, à la réparation, au recyclage… autant de pratiques qui s’inscrivent à rebours de l’obsolescence programmée. Les novices peuvent trouver dans les fablabs un espace pour apprendre à réparer eux-mêmes ou à upcycler certains équipements.

 

 

Quels sont les prérequis essentiels pour ouvrir un fablab ? 

Un fablab repose avant tout sur une communauté d’usagers engagés qui se fédèrent pour animer un lieu. Sans communauté, le fablab n’est pas animé et perd sa raison d’être : promouvoir la collaboration et l’entraide d’usagers pour la fabrication d’objets ou le développement de services digitaux. Les fablabs accueillent aussi bien des “makers”, les usagers qui fabriquent des objets, que des “thinkers”, les utilisateurs qui imaginent des services digitaux innovants. Néanmoins, makers et thinkers partagent les mêmes méthodes, qui sont au fondement des démarches d’innovation actuelles : recours à des méthodes d’intelligence collective, prototypage, amélioration continue…

Pour attirer de nouveaux usagers, un fablab se doit de proposer une offre de services variée adressée aussi bien à des acteurs privés que publics. Parmi ces cibles, on peut distinguer :

  • Les étudiants : ils peuvent fréquenter ces espaces pour trouver les outils nécessaires à la réalisations de projets ou de prototypes (maquettes pour les étudiants en architecture…).
  • Les porteurs de projets et start-ups : le prototypage étant au cœur de la démarche des fablabs, les entrepreneurs peuvent avoir recours aux services proposés pour prototyper un produit ou un service innovant à un coût abordable. Le fablab devient alors un levier actif de développement économique.
  • Les entreprises : elles peuvent s’appuyer sur un fablab pour proposer des ateliers visant à stimuler la créativité de leurs collaborateurs ou les acculturer à des méthodes innovantes. Dans le cadre du développement d’un nouveau produit ou d’un nouveau service, elles peuvent aussi utiliser les outils d’un fablab pour limiter leurs coûts en matière de recherche et développement.
  • Le grand public : par définition, un fablab est ouvert à tous, quel que soit le niveau de maîtrise des machines. Les amateurs et bricoleurs du dimanche peuvent donc trouver dans un fablab un espace pour laisser libre cours à leur créativité, se faire plaisir en créant des objets, en impression 3D par exemple, ou encore pour apprendre de nouvelles techniques.

Installer un fablab sur son territoire, c’est se doter d’un service qui contribue à dynamiser le tissu économique local tout en renforçant le lien social. En matière d’enseignement, de nombreux partenariats existent entre des écoles ou des universités et des fablabs. Ainsi, dès 2013, l’université de Reims Champagne-Ardenne a implanté son fablab Smart Materials à Charleville-Mézières. Il a désormais deux antennes dans le département des Ardennes. Les PME locales utilisent ces équipements pour lancer des projets qui sont ensuite développés sur la plateforme Platinium 3D, dédiée à la fabrication numérique de pièces métalliques.

 

Quel business model pour faire fonctionner un fablab ? 

Ancrées sur leur territoire, les plateformes d’innovation adoptent le plus souvent un modèle de financement qui repose sur un mix de fonds publics et de fonds privés. Ceci contribue à la pérennité des fablabs, qui peuvent compter sur différentes activités et des partenaires variés.

Les fonds publics. Ces dernières années, on a pu observer une évolution dans le soutien des acteurs publics, notamment les collectivités territoriales, aux fablabs. Leur implication auprès de ces tiers-lieux innovants consistait traditionnellement à verser des subventions. Désormais, on remarque que les collectivités développent un soutien qui s’inscrit dans une logique de marchés publics. Ainsi, les fablabs deviennent des relais pour les collectivités territoriales dans la mise en œuvre des politiques locales d’accompagnement à la transformation numérique des entreprises ou d’innovation urbaine. Les subventions n’ont pas disparu pour autant. Cependant, elles concernent aujourd’hui surtout des facilités d’accès à des locaux.

Les fonds privés. Les revenus des fablabs proviennent essentiellement de la monétisation de leur offre de services : location d’espaces, formations et ateliers, location de machines, organisation d’événements, etc. Des opérations de crowdfunding peuvent être menées pour financer de nouveaux projets ou l’acquisition de nouvelles machines. Certains fablabs sont également portés par des groupements d’entreprises, dans une logique de mutualisation des équipements et des coûts. Les entreprises prennent alors des participations dans le projet. C’est le cas de la plateforme The Corner, installée près de Brest, qui a été portée par un réseau de chefs d’entreprises (ETI) locales.

 

Quels sont les facteurs-clés pour la réussite du projet ? 

Quels sont les facteurs de succès d’un fablab ? S’il n’existe pas de recette magique pour créer et pérenniser un fablab, certains éléments fondamentaux semblent nécessaires pour assurer un bon fonctionnement et des retombées sur le territoire :

  • L’ouverture sur le territoire et ses habitants : un fablab se doit d’être ouvert, dans une diversité sociale et générationnelle. C’est cette ouverture qui favorise la multiplicité des usages et incite les utilisateurs à revenir pour des activités variées : formations, rencontres, conseils, soirées festives, etc.
  • Un aménagement modulable : un fablab remplit de multiples fonctions. Privatisation d’espaces, gestion des zones de stockage, organisation d’ateliers : l’aménagement est souvent souple pour permettre une adaptation aux différentes activités, tout en conservant la convivialité de l’espace.
  • La gestion des coûts immobiliers et le lieu d’implantation : disposer de grandes surfaces est nécessaire pour installer leurs machines, souvent volumineuses. C’est pourquoi de nombreux fablabs choisissent de s’installer soit dans des friches (urbaines ou industrielles), soit dans des zones visées par des politiques de transformation urbaine. Idéalement, le lieu choisi doit favoriser les interactions avec d’autres acteurs de l’écosystème innovant local. Sa proximité avec des acteurs artistiques et culturels renforce quant à elle son attractivité, de même que la facilité d’accès par tous les moyens de transport.
  • La gestion du personnel : c’est, après le foncier, la principale charge des fablabs, qui doivent donc trouver des solutions innovantes en matière de gestion des ressources humaines pour pérenniser leurs activités. Le syndicat Manche numérique a ainsi formé des “fab managers”. Rattachés à un espace public numérique, ils sont mobilisés lors d’événements, à l’occasion notamment des passages de la caravane numérique dans leurs zones. Une façon aussi de disposer d’ambassadeurs des nouveaux usages numériques sur l’ensemble du territoire.