
Le Plan Eau présenté par le gouvernement en 2023 fixe un objectif ambitieux : faire passer la France de 100 à 1000 projets de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) sur le territoire national. Cette ambition, partagée par de nombreux acteurs lors du salon Aquapolis 2025 auquel nous avons participé la semaine dernière, nécessite de lever plusieurs freins qui ralentissent encore le déploiement de cette solution. Entre obstacles économiques et évolution des usages, plusieurs leviers permettant d’accélérer le déploiement de ces projets de REUT ont été partagés.
Salon Aquapolis / Innopolis
Au salon Aquapolis, de nombreux acteurs ont rappelé que l’aspect économique demeure l’un des principaux obstacles à la mise en place massive de la REUT. La rentabilité souvent limitée des projets face à des charges d’exploitation élevées peut décourager les porteurs de projets, tandis que la méconnaissance des solutions de financement disponibles aggrave cette situation.
C’est précisément pour lever ces obstacles que les Agences de l’Eau ont développé des dispositifs de soutien particulièrement incitatifs. Avec 60 à 80% du financement des études pris en charge selon la taille de l’entreprise et 40 à 60% pour les travaux, ces aides transforment radicalement l’équation économique des projets. Cette intervention financière massive permet aujourd’hui de relancer des initiatives autrefois jugées non viables, comme l’illustre le projet Royan Atlantique. Cette initiative ambitieuse, visant à réutiliser 4 millions de m³ d’eau pour usage agricole, connaît une seconde vie et entre désormais dans sa phase de déploiement opérationnel, témoignant de l’efficacité des dispositifs de soutien actuels comme évoqué par Olivia Martin de la CEREMA.
De l’agriculture à la ville : l’évolution des usages de la REUT
La réutilisation des eaux usées traitées évolue et diversifie ses usages, offrant ainsi de nouvelles opportunités pour les territoires. Si les applications agricoles ont historiquement dominé ce secteur, on observe désormais un développement significatif des usages urbains. La ville de Cannes, citée comme exemple précurseur par Julien Louchard, Directeur Commercial d’OiEau, illustre parfaitement cette évolution avec des applications innovantes pour le nettoyage des voiries et l’arrosage des espaces verts. Cette tendance répond à une logique de proximité entre production et utilisation, réduisant les coûts d’infrastructure tout en optimisant l’impact environnemental global.
L’assouplissement réglementaire récent facilite également cette diversification, avec de nouveaux décrets attendus pour encadrer des usages comme l’hydrocurage ou la lutte contre les incendies. Cette évolution témoigne d’une maturité croissante de la filière REUT en France, qui s’affirme progressivement comme une composante essentielle d’une gestion circulaire et résiliente de l’eau sur nos territoires.
La REUT : un changement de paradigme en marche
L’accélération des projets de REUT en France marque un véritable changement de paradigme dans notre rapport à l’eau. D’une vision linéaire où l’eau usée était considérée comme un déchet à traiter, nous passons progressivement à une approche circulaire où elle devient une ressource à valoriser. Cette transition, soutenue par des dispositifs financiers adaptés et facilitée par l’évolution des usages, ouvre la voie à une gestion plus intelligente et durable de nos ressources hydriques. La REUT n’est plus seulement une option parmi d’autres, elle s’impose comme une composante essentielle d’une stratégie territoriale résiliente face aux défis climatiques.