Regards croisés sur la transformation des organisations
Avec Camille (Senior Manager), Morgane (Manager) et Adeline (Manager) – Conseil Interne
Dans le cadre de notre série “Regards croisés sur la transformation des organisations”, nous avons interrogé trois expertes du cabinet qui accompagnent, au quotidien, les métiers du groupe. Elles livrent ici leur vision du changement, leurs méthodes et les leviers qui permettent d’ancrer durablement les transformations.
Comment définiriez-vous la transformation des organisations ?
Camille :
« On pourrait penser, de façon réductrice, que la transformation des organisations est un simple réagencement de boîtes dans un organigramme. Bien au contraire, c’est une transformation profonde qui vise à faire évoluer la structure, les processus, mais surtout les comportements et la culture d’une entreprise pour répondre à de nouveaux enjeux. Il s’agit de créer les conditions pour que l’organisation soit plus performante et mieux alignée avec ses ambitions. »
Qu’est-ce qui distingue une transformation réussie d’une transformation subie ?
Adeline :
« La différence tient avant tout à la manière dont on embarque les personnes concernées. Il faut associer les populations impactées le plus tôt possible. Écouter ceux qui vivent le changement est essentiel : leurs besoins, leurs rythmes et leurs attentes ne sont jamais identiques. Une transformation réussie, c’est aussi permettre aux collaborateurs de participer à la construction de leurs futurs modes de fonctionnement. En parallèle, identifier des gains rapides aide à maintenir la dynamique et à renforcer la conviction collective. »
Camille :
« Le succès d’un projet de transformation des organisations peut se mesurer de multiples manières, mais je retiendrai ces deux indicateurs principaux :
- L’adhésion des équipes au changement, en commençant par la strate managériale. Embarquer les employés dans le changement est primordial pour la réussite d’une transformation. Ils doivent y comprendre le “pourquoi”, et y trouver à leur échelle du sens.
- Une amélioration de la performance : le succès de la transformation devrait pouvoir s’évaluer par un impact mesurable. Par exemple, on doit mesurer l’amélioration de l’efficacité opérationnelle, ou celle de la satisfaction client. »
Quelles sont, selon vous, les conditions indispensables pour bien démarrer un projet de transformation ?
Morgane :
« La première étape, c’est d’identifier les parties prenantes, de comprendre pourquoi la transformation est nécessaire et d’installer un besoin d’urgence partagé par la direction et les sponsors. La réussite repose très souvent sur le bon embarquement de la ligne managériale.
Il faut ensuite définir les objectifs et la cible du changement, en veillant à ce que tout le monde soit aligné sur le “pourquoi” et sur la cible. Une fois cette base posée, on peut s’interroger sur la manière d’y aller – et avec qui. »
Quels sont les principaux freins au changement, et comment les dépasser ?
Morgane :
« Les freins au changement apparaissent souvent quand le “pourquoi” n’a pas été clairement défini ni expliqué : les parties prenantes n’ont pas été correctement identifiées, les impacts n’ont pas été anticipés, ou la communication et l’accompagnement au changement n’ont pas été adaptés au public ciblé. Il faut s’assurer de s’adresser au bon niveau, avec le bon message, au bon moment.
Par exemple, lors d’un changement de système d’information, un simple mail d’information ne suffit pas. Il faut se poser la question du support : faut-il un guide, une formation ? Quel suivi faut-il anticiper pour vérifier l’appropriation de l’outil par les équipes ? Le changement ne s’arrête pas à sa mise en œuvre. Il faut prévoir un accompagnement post-transformation et consolider les nouveaux réflexes pour anticiper le turnover et les évolutions futures. »
Comment embarquer des équipes parfois réticentes ou fatiguées par le changement ?
Adeline :
« La première étape essentielle, c’est l’écoute. Je consacre toujours du temps aux entretiens individuels ou collectifs pour comprendre les ressentis, les freins, les émotions. Ensuite, je veille à partager une restitution du diagnostic avec les personnes interviewées, en intégrant des verbatims dans lesquels elles peuvent se reconnaître. Ce moment montre que leur parole a été entendue, surtout quand la transformation vient “d’en haut” et qu’elles ont parfois le sentiment de ne pas avoir voix au chapitre.
Sur cette base, je conçois des ateliers participatifs qui prolongent cette écoute et permettent d’obtenir rapidement des petites victoires. L’idée est de recréer du lien à travers des exercices simples et fédérateurs, avant d’aborder progressivement des sujets plus complexes. Ces ateliers instaurent une atmosphère de confiance et de sécurité psychologique. »
Comment créer l’adhésion à un projet de transformation ?
Camille :
« Il me semble essentiel de cultiver la confiance, la transparence et la co-construction. On adhère à un projet lorsqu’on y trouve du sens, et qu’on peut en percevoir concrètement l’impact et les résultats attendus.
Mon objectif est d’embarquer les principaux acteurs en donnant du sens au projet et en mettant l’accent sur les bénéfices individuels comme collectifs, via quelques principes clés :
- Construire une relation de confiance
- Faire preuve de transparence sur les difficultés et les risques
- Donner la parole aux collaborateurs et écouter leurs points de vue pour favoriser des décisions les plus consensuelles possibles. »
Pouvez-vous partager un projet de transformation particulièrement marquant ?
Morgane :
« Une filiale de Veolia, en forte croissance, devait se transformer pour relever de nouveaux défis : hausse des effectifs, augmentation du chiffre d’affaires, complexification des opérations et évolutions du marché.
Nous avons mis en place un comité de direction et lancé la transformation de l’ensemble des départements en cohérence avec la stratégie cible définie avec ce comité.
Chaque service a ainsi évolué selon une vision à trois ans, avec pour objectif de permettre à l’entreprise d’absorber cette montée en puissance sans devoir se réorganiser tous les six mois, et de poser les bases d’une croissance durable.
La différence s’est jouée sur les équipes : la volonté du comité de direction, l’engagement de toute la filiale et l’énergie collective déployée pour relever les défis d’un marché en constante évolution — qu’il s’agisse des outils, des réglementations ou des pratiques. »
Un exemple où vous avez dû adapter votre approche en cours de route ?
Adeline :
« J’ai accompagné la transformation d’un site industriel de Veolia, avec des enjeux complexes regroupant des problématiques RH, managériales, processus, sécurité et client. Le nouveau directeur nous a sollicités pour la mise en œuvre de cette transformation. Les premiers entretiens et ateliers nous ont indiqué que le principal frein semblait venir du CODIR lui-même : peu de cohésion, un manque d’écoute mutuelle et des rôles mal équilibrés, ce qui bloquait la capacité à décider et à avancer collectivement.
Nous avons réorienté notre approche en concentrant nos efforts sur l’embarquement du CODIR. Nous avons travaillé avec eux à la définition d’une vision commune, à la rédaction de leur feuille de route, à la clarification des rôles et à la mise en place de règles de fonctionnement partagées. Ce travail a permis de donner de la voix à des membres plus discrets et de renforcer les liens entre les membres du CODIR. À la fin, l’équipe dirigeante était plus soudée, alignée sur les priorités et confiante dans sa capacité à piloter la suite de la transformation. »
Comment faire en sorte qu’une transformation s’inscrive dans la durée ?
Morgane :
« L’objectif d’une transformation est qu’elle produise des effets durables. Notre rôle, en tant que cabinet de conseil, est d’accompagner cette dynamique et de faire en sorte que, lorsque nous partons, les équipes soient capables de poursuivre seules et d’atteindre leur cible.
Nous apportons une impulsion, un cadre et une méthodologie. L’enjeu n’est pas de devenir indispensable, mais de permettre aux équipes clientes d’ntégrer les bons réflexes de gestion de projet et d’accompagnement du changement, notamment au niveau des sponsors et de la ligne managériale. »

