IA en entreprise : 5 tendances clés du Salon Big Data & IA Paris 2025

03 novembre 2025

Trois ans après l’explosion de l’IA générative, l’IA en entreprise franchit un cap décisif. Le Salon Big Data & IA de Paris (1-2 octobre 2025) le confirme : l’ère de l’expérimentation touche à sa fin, celle de l’industrialisation commence. L’IA agentique, la souveraineté européenne, l’AI Act et l’approche responsable dessinent un passage à l’échelle maîtrisé. Retour sur ces cinq tendances clés.

1. Dépasser la productivité individuelle pour impacter le P&L

Le paradoxe est frappant : 30 à 40 milliards de dollars investis dans l’IA, mais 95% des entreprises sans gain au P&L. Pourquoi ? L’IA générative s’est cantonnée à améliorer la productivité personnelle : résumer des emails, générer des présentations, reformuler des textes. Des gains réels pour l’utilisateur, mais qui ne se traduisent pas en valeur économique mesurable à l’échelle de l’entreprise.

La vraie valeur émerge dans l’automatisation de processus complets. Il ne s’agit pas de rendre l’utilisateur plus efficace mais de lui libérer du temps vers des activités à forte valeur ajoutée en exécutant certaines tâches de manière complètement autonome. L’humain devient validateur.

Cette industrialisation exige une refonte profonde : repenser les processus de bout en bout, intégrer l’IA dans la gouvernance des données, et réduire drastiquement le time-to-market. Stellantis, par exemple, vise désormais 1 mois entre l’identification d’un cas d’usage et sa mise en production, contre 3 auparavant. Sans cette transformation systémique, impossible de passer à l’échelle.

 

2. Déployer l’IA agentique : le challenge du passage à l’échelle

Après l’IA générative, voici l’IA agentique. Cette nouvelle génération d’IA change radicalement la donne : de 30-40% d’automatisation avec l’IA générative à 80% avec l’agentique. La différence ? Les agents ne se contentent pas d’assister l’utilisateur, ils orchestrent des processus complets de manière autonome.

Concrètement, un agent IA est un LLM doté d’outils et d’autonomie décisionnelle. Il peut raisonner, planifier, agir, et même retenter une action en cas d’échec. La Poste, par exemple, déploie quatre agents collaboratifs qui assistent ses clients dans la création de leurs supports marketing postaux : de l’idée de campagne jusqu’à la boîte aux lettres, le processus est désormais presque entièrement automatisé, orchestrant des workflows transversaux complexes.

Mais cette autonomie accrue pose une question cruciale : comment garder le contrôle ? La réponse passe par une gouvernance stricte. Comme pour des employés, on attribue aux agents des niveaux de clearance, on limite leur accès aux données sensibles, et on désigne systématiquement un responsable physique pour garantir la qualité et la conformité avec l’AI Act.

 

3. Construire un écosystème IA souverain et performant

La dépendance aux géants américains et chinois est devenue un risque stratégique majeur. Interruption de service, extraterritorialité des données, conformité réglementaire… Les entreprises européennes veulent reprendre le contrôle. Cette ambition s’accompagne de moyens, notamment via l’initiative “InvestAI” de l’Union Européenne et ses 200 milliards d’euros d’investissements dans l’IA.

L’écosystème européen se structure rapidement avec des acteurs comme Mistral AI ou des initiatives de cloud souverain. Les modèles européens atteignent des niveaux de performance comparables aux leaders mondiaux. Les partenariats stratégiques se multiplient : Mistral avec Veolia, TotalEnergies, Stellantis… Ces collaborations démontrent qu’on peut co-construire des solutions sur mesure tout en gardant le contrôle des données et de la gouvernance.

L’infrastructure cloud souveraine est le prérequis de l’autonomie stratégique et de l’IA maîtrisée. L’Union européenne investit 20 milliards d’euros dans des gigafactories IA pour construire cette infrastructure européenne de nouvelle génération qui garantit non seulement la conformité réglementaire mais aussi la résilience opérationnelle et la capacité d’innovation.

 

4. Mettre en œuvre l’AI Act : transformer la contrainte en avantage

L’AI Act est voté, mais sa mise en œuvre reste complexe. Le cadre, perçu comme flou et difficile à prendre en main, crée une tension entre urgence de déployer et nécessité de se conformer. Les amendes peuvent atteindre 7% du chiffre d’affaires mondial.

Face à ce défi, des entreprises pionnières comme AXA développent des programmes dédiés (NADiA) qui transforment la contrainte réglementaire en avantage compétitif. Ces programmes structurent trois piliers essentiels : la traçabilité systématique de tous les projets IA (de l’idéation au run), l’évaluation ex-ante des risques et de la conformité, et la gouvernance dédiée pour orchestrer le passage à l’échelle.

 

5. Assurer la durabilité du passage à l’échelle

Le passage à l’échelle ne sera durable que si les entreprises assument leurs responsabilités. Trois impératifs émergent.

D’abord, former massivement : les entreprises leaders investissent dans la montée en compétences (10 000 personnes formées chez Stellantis, 5 000 chez Danone). Face à l’évolution rapide des technologies, cette formation continue devient un impératif stratégique. Pour réussir la transformation IA 70% des efforts doivent être mis sur l’humain et seulement 30% sur la technologie (source BCG).

Ensuite, corriger les biais algorithmiques. Dans le recrutement, l’évaluation de crédit ou la santé, les biais historiques sont amplifiés par l’IA si elle n’est pas conçue de manière inclusive dès l’origine.

Enfin, adopter l’IA frugale. L’impact environnemental est massif : triplement de la consommation électrique des data centers, 91% de la consommation d’eau liée à l’entraînement des modèles. La France se positionne en leader mondial pour définir la méthodologie de l’IA frugale. Plus on industrialise, plus cet enjeu devient critique : la durabilité n’est pas une option mais une condition de viabilité à long terme.

Le Salon Big Data & IA le rappelle : l’IA n’est pas qu’un sujet technologique. C’est une transformation qui engage stratégie, opérations, conformité, talents et responsabilité. Les entreprises qui l’ont compris génèrent de la valeur et passent à l’échelle. Les autres restent au stade des expérimentations.