Redonner un coup de peps à la démocratie en la renouvelant. Voilà qui est ambitieux, n’est-ce pas ? C’est ni plus, ni moins le crédo des civic techs, ces outils numériques mis à disposition des citoyens pour tenter de leur conférer davantage de pouvoir. Et, à l’aube des Municipales, des initiatives germent aux quatre coins de la France et donnent au passage de bonnes indications sur les sujets auxquels les citoyens sont les plus sensibles. Abylon vous en dit plus.
Les civic tech, quésaco ? Côté définition, le concept est encore un peu flou. Mais, pour la Knight Foundation, qui a consacré en 2013 un rapport sur leur émergence, il s’agit d’un « secteur à la croisée de la technologie, de l’innovation, d’un gouvernement ouvert et de l’engagement du citoyen ».
Plus concrètement, le terme désigne l’ensemble des technologies numériques dont le but est d’améliorer l’efficacité du fonctionnement de la démocratie, en redonnant d’avantage de pouvoir au public. En renouvelant, voire en disruptant, le système actuel.
En d’autres termes, l’objectif est de digitaliser le processus de décision pour que les citoyens puissent être impliqués de façon plus directe et transparente dans des choix qui les concernent. Ces dispositifs visent donc à servir l’intérêt général, à aller d’une société de la représentation vers celle de la participation. Alléchant, non ?!
Comme bien souvent, vous l’aurez deviné, c’est outre-Atlantique, au début des années 2010, que les civic tech ont émergé. Très vite, elles ont colonisé le monde, dont la France dès 2015, avec notamment la création de start-ups dédiées. A l’instar de la pionnière Cap Collectif – à la manœuvre du Grand débat national en 2019, qui se présente comme un générateur d’intelligence collective, via l’élaboration de plateformes numériques interactives.
Des enjeux dans l’air du temps
L’arrivée récente des civic tech dans le champ politique ne doit rien au hasard. Elle répond à un besoin – que vous partagez sans doute – toujours plus prégnant des citoyens de pouvoir faire entendre leur voix et que leurs avis soient considérés par les élus.
De fait, selon un sondage Cap Collectif – OpinionWay relatif aux municipales et publié en juin 2019 :
- -66 % des Français jugent la prise en compte de leurs propositions comme une priorité,
- 71% désignent l’écoute des habitants comme la qualité principale d’un candidat,
- 72 % affichent leur préférence pour une liste dont le programme serait co-construit avec les habitants
- 83 % déclarent qu’ils seraient prêt à donner leur avis sur un programme si un candidat le proposait,
- 89 % estiment que les candidats doivent impliquer les citoyens dans l’élaboration de leur programme.
Des chiffres éloquents qui témoignent d’enjeux décisifs pour rebooster la démocratie et la confiance des citoyens envers les décideurs politiques, à laquelle les civic tech semblent avoir le potentiel de répondre.
En conférant de nouveaux modes d’expression plus agiles, rapides et transparents, ces outils numériques pourraient en effet permettre de remettre le citoyen au coeur du processus démocratique et d’augmenter, par la même occasion, la mobilisation en :
- élargissant le nombre de participants à la décision publique et donc la représentativité,
- informant mieux les citoyens grâce, notamment, à l’ouverture des données publiques,
- co-construisant des politiques publiques plus efficaces, plus proches des attentes,
- en accélérant l’efficacité du processus démocratique grâce à une plus grande fluidité.
Une prise de conscience politique
Pour parvenir à changer les règles du système politique, la civic tech met à disposition divers outils d’intelligence collective. On peut notamment retrouver des outils de concertation, de votation, de signalement, de pétition, d’interpellation, etc.
Et, à la manière d’une boule dans un jeu de quilles, les premiers effets se font déjà sentir. A l’occasion de la campagne municipale 2020, le nombre d’initiatives numériques participatives est en hausse. Par exemple, la plateforme citoyenne Make.org organise des consultations inédites, ouvertes à tous les habitants et associations de certaines grandes villes françaises. Le but : permettre au plus grand nombre d’exprimer ses doléances ; soumettre à l’ensemble des candidats de ces villes les 10 propositions citoyennes qui ont reçu le plus de votes ; puis révéler avant le 1er tour les prises de position de chaque aspirant édile.
Au même titre que Cap Collectif, la société Open Source Politics a quant à elle élaboré des plateformes de campagne interactive – budget participatif, boîte à idées, etc – pour des candidats et listes partout en France. Plus que de simples boîtes à idées, les budgets participatifs sont révélateurs des attentes et sensibilités des citoyens. Selon Antoine Bézard, créateur du site Lesbudgetsparticipatifs.fr., l’environnement fait ainsi la course en tête des projets les plus plébiscités par les votants, devant les projets liés à l’aménagement et au cadre de vie et devant les projets liés à la mobilité.
Si les civic tech se développent de plus en plus, c’est en grande partie parce que les décideurs publics – conscients de ne plus pouvoir exercer le pouvoir à huis clos – ont compris qu’il s’agissait d’un moyen moderne de retrouver de la crédibilité auprès des citoyens, dans un contexte de défiance toujours plus important.
Reste désormais à voir si les civic techs représentent un véritable levier de renouvellement démocratique ou un simple “faire valoir” au service des décideurs.