Résilience territoriale : quelles leçons un an après l’apparition du Covid ?
D’abord utilisé en physique pour qualifier la résistance d’un matériau à un choc, le concept de résilience a été popularisé par Boris Cyrulnik. Le neuropsychiatre a forgé ce terme pour désigner la capacité des êtres humains à dépasser des expériences traumatisantes. Peu à peu, ce concept a été repris dans d’autres domaines, dont celui de l’action publique. Il a notamment été mis en avant par l’ONG 100 Resilient Cities, créée en 2013 sous l’impulsion de la Fondation Rockefeller, qui accompagne les villes dans l’élaboration de leurs stratégies de résilience. Les chocs subis par les territoires sont variés : catastrophes naturelles, crises économiques, risques technologiques, changement climatique…
Au cours de l’année écoulée, sous l’effet de la pandémie de Covid-19, la question de la résilience territoriale s’est posée avec une acuité accrue. La crise sanitaire a en effet mis en lumière les vulnérabilités et interdépendances des territoires qui ont dû faire face à une crise d’une ampleur inédite et ses conséquences : activité économique ralentie, isolement de certains habitants, effondrement de l’activité touristique, difficultés d’approvisionnement… Alors que cela fait bientôt un an que la France entamait son premier confinement, Abylon examine les contours de ce concept et revient sur des expériences de terrain menées pendant cette période très particulière.
La résilience territoriale : de quoi parle-t-on ?
Pour les territoires, la question de la résilience est multiforme : environnementale, économique, sociale, technologique… Alors qu’ils doivent agir dans un monde de plus en plus complexe, les territoires font face à des perturbations plus nombreuses. On peut distinguer deux types de risques : les chocs ponctuels (inondations, vagues de canicule, accidents industriels, fermetures d’usines…) et les perturbations plus lentes (érosion du littoral, sécheresse, crises sociales…). Un territoire résilient est capable d’anticiper, de réagir et de s’adapter pour retrouver un équilibre après un choc et dépasser la situation de crise.
Pour faire face à ces risques, de nombreux territoires mettent en place des stratégies de résilience. Celles-ci consistent à identifier les forces et vulnérabilités du territoire pour définir une vision de long terme intégrant le risque. Le plus souvent, les territoires font le choix d’une démarche fédératrice. Ils cherchent à impliquer tous les acteurs afin de les mobiliser en vue d’affronter les risques. L’enjeu : adopter une vision globale et pas seulement une approche sectorielle du risque. Chez Abylon, nous sommes convaincus que ces démarches intégrées sont porteuses de perspectives de développement pour les territoires, au-delà de la simple prévention des risques. C’est dans ce sens que nous accompagnons les territoires dans leur recherche de résilience.
L’économie en temps de pandémie : penser la résilience à l’échelle régionale
Face à la crise sanitaire, les collectivités territoriales ont mis en place des mesures de soutien aux entreprises. Les régions se sont imposées comme des acteurs essentiels du soutien et la relance de par leur très bonne connaissance du tissu économique local. La région Pays de la Loire a ainsi mis en place un “Fonds territorial de résilience”, destiné à soutenir les TPE et PME (jusqu’à 50 salariés) de son territoire. Porté par des collectivités (région, départements et 40 agglomérations) et par la Banque des territoires, ce fonds a été pensé comme un guichet unique pour simplifier les démarches des entreprises. Lancé dès avril 2020, il a vocation à répondre aux besoins de trésorerie immédiats. Cette initiative constitue une réponse collective pour soutenir les secteurs les plus en difficulté et préparer l’après-crise.
Alimentation : sécuriser les chaînes d’approvisionnement
L’épidémie de Covid-19 a rendu très visible l’interdépendance des territoires en matière d’approvisionnement alimentaire. Si aucun territoire ne vise aujourd’hui l’auto-suffisance alimentaire, nombre d’entre eux intègrent la question alimentaire dans leur transition vers des modes d’approvisionnement plus résilients. C’est le cas de l’agglomération de La Rochelle qui soutient une agriculture de proximité avec l’implantation d’une ceinture maraîchère et le développement d’une filière légumineuses. L’objectif : développer des capacités de production dans une stratégie d’adaptation au changement climatique.
Gouvernance : vers une décentralisation plus poussée ?
La crise sanitaire a également eu des impacts sur l’action publique. Pour faire face à une crise soudaine, les élus et agents territoriaux ont été en première ligne. Ce sont eux qui ont pu prendre en compte les enjeux locaux dans la mise en œuvre des décisions. Les communes, échelon territorial de proximité par excellence, ont apporté des réponses aux besoins des citoyens chacune à leur manière. Ouverture des écoles pour les enfants des soignants, accompagnement à la transformation digitale des commerces par la mise en place de solutions digitales partagées, création de cellules de soutien psychologique, fourniture de masques… Les mairies ont adapté rapidement leur organisation pour répondre à l’urgence.
De par leur connaissance du terrain et des acteurs locaux, les collectivités territoriales ont démontré une grande réactivité face à cette situation exceptionnelle. Cette gestion territoriale de la crise a posé les bases d’une résilience accrue, grâce à la prise en compte des spécificités des territoires, de leurs besoins, de leurs enjeux. Une telle agilité est possible à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération et rappelle qu’une stratégie de résilience est toujours spécifique au territoire dans lequel elle se déploie. Une question se pose aujourd’hui : comment institutionnaliser les démarches mises en place dans l’urgence de la crise ?
Concertation : mobiliser l’ensemble des acteurs pour une stratégie de résilience globale
La résilience d’un territoire repose sur une vision fédératrice à long terme. C’est dans cet esprit que le département de la Gironde a débuté en 2019 l’élaboration de sa stratégie. Le conseil départemental a choisi une approche innovante : une co-construction partagée entre élus, services et un panel de 40 citoyens, acteurs de l’ESS et de l’innovation sociale. Ces acteurs ont été réunis dans un écosystème appelé “La Base”. Les jeunes du territoire ont également été associés à cette démarche via un budget participatif destiné à financer leurs projets de transformation écologique et sociale. Une démarche qui a donné lieu à la création d’un kit de résilience territoriale à destination des collectivités. Un accompagnement pour la mise en place des Plans de Continuité d’Activité (PCA) est également prévu pour que les collectivités soient mieux préparées à répondre à des événements graves et de grande ampleur.
Résilience territoriale : les enseignements de la crise sanitaire
Avec la crise liée à la pandémie de Covid-19, les enjeux liés au dérèglement climatique sont revenus au centre de l’agenda. Cette crise a démontré l’importance de la résilience et de l’anticipation des risques, d’autant plus que les crises climatiques seront plus nombreuses dans les années à venir.
Adopter une stratégie de résilience territoriale, c’est avant tout se préparer à réagir vite, de façon cohérente et coordonnée, à un événement imprévu de grande ampleur. Les solutions mises en place dans un territoire ne sont pas réplicables à l’identique dans un autre. La crise liée au Covid-19 a mis en évidence 4 caractéristiques fondamentales de la résilience territoriale :
- Son but premier est de protéger l’humain avec une attention particulière aux besoins des populations vulnérables
- Elle doit être au cœur des arbitrages qui structurent les projets de territoire : elle donne une stabilité au territoire dans un environnement mouvant
- C’est un outil de préparation à la gestion des crises, pour ne pas sur-réagir ni sous-estimer les risques
- Il s’agit d’une démarche agile d’évaluation et de gestion des risques : une stratégie de résilience territoriale évolue avec le contexte
Penser la gouvernance d’une stratégie de résilience territoriale, c’est faire de cette stratégie un apprentissage en continu. En d’autres termes, capitaliser sur les acquis de la gestion d’une crise et être mieux préparé à répondre aux chocs à venir.