Avec 700 millions d’euros alloués, la numérisation de l’ensemble des services publics à l’horizon 2022 est un projet phare du gouvernement. Il a notamment pour objectif de simplifier l’accès des citoyens aux démarches administratives. Cependant, les Français ne sont pas tous égaux face au numérique : 23% de la population, soit 11 millions de personnes, souffre d’illectronisme. En d’autres termes, ces personnes sont éloignées des outils numériques, avec un accès très limité, voire inexistant, à Internet. Par ailleurs, 39% des Français se déclarent inquiets à l’idée de devoir faire leurs démarches administratives en ligne. Le Défenseur des droits souligne quant à lui l’importance d’un bon encadrement dans l’accomplissement de ces démarches. Dans le cas contraire, certains usagers pourraient même ne pas réussir à faire valoir à leurs droits. Comment, dans ces conditions, mettre en place une e-administration inclusive ?
En amont : la construction du parcours numérique
Pour faciliter l’utilisation du service en ligne, les pouvoirs publics doivent avoir une idée claire du parcours numérique du citoyen. Utiliser un langage simple et compréhensible par tous, créer des chemins d’accès directs, anticiper les difficultés des usagers sont quelques principes-clés à mettre en œuvre dans la construction des plateformes de service public. Intégrer des groupes d’utilisateurs dans la conception du service peut également s’avérer utile. C’est ce qu’a fait la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) dans le cadre de la refonte du portail impots.gouv.fr. Les observations des usagers ont été prises en compte pour améliorer l’ergonomie et l’organisation du site. Pour les collectivités territoriales comme pour l’État, il est nécessaire de prévoir des moyens financiers suffisants et des indicateurs de performance qui permettront d’améliorer le service dans le temps.
Au cours des démarches : accompagner les usagers
La transformation numérique des services publics suppose un apprentissage de l’utilisation des nouveaux outils par les usagers. Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer pour accompagner les citoyens. Mettre en place un numéro de téléphone dédié, mener des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux ou encore proposer un accompagnement dans des espaces d’aide avec des agents pour assister les usagers sont quelques-unes des actions qui peuvent être mises en œuvre. C’est le rôle des “facilitateurs numériques” qui travaillent dans les mairies d’arrondissement à Paris. La ville de Brest a elle aussi mis en place un réseau de médiation numérique. Chaque territoire de l’agglomération s’est ainsi doté d’un PAPI, un “Point d’Accès Public à Internet”, dans le but d’offrir aux habitants une assistance de proximité à l’utilisation des outils numériques. Ce dispositif permet de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et de sessions de formation. Dans cette même logique de proximité, le département des Côtes-d’Armor a mis en place un partenariat avec la région et la Caisse des Allocations Familiales pour créer un “camion numérique”. Celui-ci assure des demi-journées de permanence sur les territoires pour proposer aux habitants une assistance à l’utilisation des nouvelles technologies.
L’importance de la formation des agents
La fracture numérique ne touche pas seulement les usagers, les agents des collectivités sont également concernés. 10% seulement des agents publics affirment avoir reçu une formation au numérique, alors qu’ils sont 83% à considérer le numérique comme un outil indispensable à leur activité. La formation continue des agents et leur accompagnement dans la transformation de leur métier par le numérique constituent deux piliers sur lesquelles les collectivités peuvent s’appuyer pour réduire la fracture numérique en interne et vis-à-vis des usagers. Pour répondre à ces enjeux, la préfecture de la région Pays-de-la-Loire a mis en place des “ambassadeurs numériques”. Tout agent de l’État motivé par les évolutions numériques peut candidater auprès de la plateforme RH pour devenir ambassadeur. Dès lors, il peut proposer à ses collègues des actions de sensibilisation, recueillir leurs souhaits de formation ou animer des groupes projets pour proposer des pistes d’amélioration des processus internes et des relations avec les usagers grâce aux outils numériques. Une manière astucieuse de diffuser de bonnes pratiques et de nouveaux usages en transversalité.