Le numérique est une source majeure de gaz à effet de serre. À l’échelle mondiale, il serait responsable de l’émission de 4% des gaz à effet de serre, soit autant que le secteur aérien. Sous l’effet de la forte croissance du numérique, ce chiffre pourrait doubler d’ici 4 ans. Pas étonnant, quand on sait qu’une requête sur un moteur de recherche consomme autant d’énergie que de réchauffer une tasse de café ! La smart city est souvent vue comme un concentré de technologies. Or, mettre en place une démarche smart city vise aussi à rendre la ville plus durable et efficiente. Pour dépasser ce paradoxe apparent, la sobriété numérique offre des solutions aux collectivités territoriales soucieuses d’apporter des services de qualité à leurs habitants tout en développant une approche plus respectueuse de l’environnement. Comment devenir plus sobre en matière de numérique ? Abylon fait le point pour vous !
La sobriété numérique : de quoi parle-t-on ?
Le concept de sobriété numérique a vu le jour en 2008, il a été forgé par l’ONG GreenIT. Aujourd’hui, deux conceptions de la sobriété numérique coexistent :
- Une atténuation de l’impact environnemental du numérique, grâce à des mécanismes comme la compensation carbone (par exemple des moteurs de recherche qui s’engagent à planter des arbres pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre), les énergies renouvelables, la réutilisation de la chaleur des serveurs informatiques pour chauffer des immeubles, etc.
- Une approche low-tech, fondée sur l’éco-conception, qui vise à instaurer des comportements vertueux pour diminuer le volume de data utilisé et qui promeut une interopérabilité des systèmes pour lutter contre l’obsolescence programmée.
En pratique, les collectivités territoriales peuvent adopter une démarche de sobriété numérique pour limiter l’impact environnemental des services numériques et le renouvellement du matériel informatique servant de support au numérique.
Penser sobriété numérique “by design”
Aujourd’hui, ce sont les collectivités les plus matures en matière de smart city qui se penchent sur la question de la sobriété numérique. Pourtant, adopter cette démarche dès le démarrage des projets, intégrer la sobriété numérique “by design” à la smart city est un levier pour rendre la ville plus durable. Ainsi, de nombreux outils en licence ouverte existent pour étudier l’impact environnemental d’un produit ou d’un service sur l’ensemble de son cycle de vie. C’est le cas de Open LCA, qui analyse les intrants d’un projet en s’appuyant sur différentes bases de données. À partir de simulations comparant différentes solutions, les collectivités peuvent prendre des décisions éclairées pour mettre en place de nouveaux services aux citoyens tout en limitant l’empreinte environnementale de leur territoire.
Adopter des initiatives d’éco-conception
C’est le corollaire de la conception de services numériques “by design”. L’éco-conception consiste à trouver le meilleur équilibre entre le niveau de performance souhaité et la quantité de ressources nécessaire pour l’atteindre. Si le numérique permet d’offrir des services dématérialisés aux citoyens, il repose sur des infrastructures bien concrètes. Pour limiter leur impact sur l’environnement, certaines mesures simples peuvent être adoptées, qui auront aussi des retombées économiques positives sur le long terme : utiliser des batteries amovibles pour les capteurs IoT très utilisés dans la smart city, choisir des connecteurs universels de type USB-C, s’appuyer sur des objets électroniques démontables et réparables, et des matériaux recyclés et/ou recyclables. L’éco-conception s’applique aussi aux sites web. Ils sont alors dotés d’interfaces simples, peu consommatrices de données et de ressources réseau. L’avantage ? Ces sites se chargent facilement, ils sont accessibles même dans des zones grises ou blanches. Par leur design épuré, ils sont aussi plus faciles d’utilisation, donc plus accessibles pour les publics éloignés du numérique. On estime aujourd’hui que l’éco-conception des services numériques permettrait d’éviter le rejet de 422 millions de tonnes équivalent CO2 et d’économiser 2,7 milliards de m3 d’eau.
Utiliser des outils juridiques pour engager les acteurs économiques
Pour impulser la transition vers un numérique plus sobre sur leur territoire, les collectivités territoriales peuvent s’appuyer sur différents outils juridiques. Par exemple, il est possible d’exiger des prestataires et fournisseurs une mise en conformité de leurs solutions avec les chartes de bonnes pratiques existantes comme GreenIT ou The Shift Project. Dans les réponses aux appels d’offres, les collectivités sont également en droit de demander aux candidats de fournir les résultats d’étude du cycle de vie de leur produit ou service. Une autre solution consiste à exiger des prestataires et fournisseurs l’utilisation de solutions techniques (format de données, objets électroniques…) les plus universelles et inter-compatibles possible. Cette solution présente deux grands avantages : faciliter l’implémentation de nouveaux outils au sein des environnements existants et réparer ou remplacer les systèmes en cas de défaillance. De plus, le changement de prestataire ou de fournisseur est simplifié, il n’engendre pas de coûts économiques ou organisationnels supplémentaires.
Impliquer l’ensemble de la population
Sans smart citoyens, la smart city ne peut pas exister. Prendre conscience que le numérique n’est pas neutre en matière d’émission de gaz à effet de serre est la première condition pour s’engager dans une démarche de sobriété numérique. Au-delà des orientations politiques et de l’évolution des réglementations, l’engagement des citoyens est nécessaire pour changer de paradigme. Les collectivités ont un rôle à jouer pour acculturer les citoyens aux impacts environnementaux du numérique et les former aux pratiques simples (privilégier des appareils reconditionnés, des serveurs ou moteurs de recherche locaux et/ou éco-responsables, etc.). Avec les entreprises et les associations, les collectivités peuvent aussi travailler à la création de filières locales de reconditionnement, au recyclage d’objets électroniques ou encore à la mise en place de mécanismes de réutilisation de la chaleur de data centers.