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« Les Cahiers de l’Automne » Jardins partagés : cultiver, rassembler, embellir

22 octobre 2020

Dans ses Cahiers de l’Automne, Abylon explore les espaces collaboratifs qui font la ville aujourd’hui et transforment la relation des citoyens à leur territoire. Après les coworkings, nous nous intéressons aux jardins partagés. Des initiatives qui visent à se réapproprier l’espace urbain tout en prenant soin de la biodiversité de la ville.  

Jardins partagés, jardins collectifs, jardins solidaires : l’agriculture urbaine n’en finit pas de faire fleurir de nouveaux espaces dans la ville. Tiers-lieux solidaires, les jardins partagés allient jardinage et convivialité. Ce phénomène trouve ses racines dans l’évolution des attentes des citoyens en matière de paysage urbain. En effet, les habitants souhaitent aujourd’hui être acteurs de la construction et de l’animation de leur cadre de vie, et retrouver le lien avec la nature. Bien souvent, les jardins partagés naissent de la volonté d’un groupe d’habitants qui réussit à rassembler autour d’un projet fédérateur. Les collectivités territoriales accompagnent ces projets qui contribuent à rendre la ville plus résiliente et plus inclusive. Qu’est-ce que les jardins partagés apportent aux territoires et à leurs habitants ? Comment rend-t-on un espace urbain agro-compatible ? Abylon fait un zoom sur le sujet.

 

Pourquoi les jardins partagés poussent-ils en ville ? 

Les jardins partagés sont nés il y a bien longtemps. Dès le Moyen-Âge, des familles se regroupaient pour cultiver fruits et légumes à visée alimentaire sur des terres collectives. Au XIXe siècle, sous l’effet de la révolution industrielle ces pratiques se transforment peu à peu avec l’arrivée des jardins ouvriers. Cependant, les jardins partagés tels que nous les connaissons aujourd’hui sont les héritiers d’un mouvement né à New York dans les années 1970. Il s’agissait alors pour les citoyens d’investir des espaces laissés vacants et de les transformer en jardins pour les riverains.

En France, le mouvement essaime dès les années 1980. Depuis une quinzaine d’années, les jardins partagés sont de plus en plus nombreux, signe d’une préoccupation croissante des citoyens pour leur cadre de vie et de leur désir de retrouver un lien avec la nature. Si chaque jardin partagé a ses propres modalités de fonctionnement et d’aménagement, on remarque de nombreuses similitudes dans la démarche. Ce sont toujours des jardins de proximité, gérés par les riverains. Les jardins partagés sont des lieux de rencontre entre les générations et les cultures, avec un rôle d’éducation, de renforcement du lien social et de préservation de la biodiversité urbaine. En favorisant les rencontres, l’exercice physique et les activités en plein air, ils participent du bien-être individuel et collectif des citadins.

D’autres initiatives de l’agriculture urbaine complètent les bienfaits des jardins partagés, à l’instar des murs végétalisés qui ont vocation à créer des îlots de fraîcheur et à épurer l’air. C’est ce qui a poussé la Mairie du 20e arrondissement de Paris à installer trois murs végétaux sur la Place de la Nation. Chacun d’entre eux contribuerait à réduire la pollution environnement de 30% dans un rayon de 50 mètres. Parfois, l’installation de murs végétalisés répond à une intention purement esthétique, comme c’est le cas pour les Halles d’Avignon. Ce qui contribue aussi à offrir un cadre de vie plus agréable aux habitants.

 

Comment faire pour créer un jardin partagé ? 

Au commencement d’un jardin partagé se trouve un groupe de fondateurs, riverains d’un même quartier et désireux de s’investir dans un espace vert. Première étape : trouver le terrain qui pourra donner naissance à un jardin partagé. En général, il s’agit d’une parcelle qui appartient à un particulier, à la municipalité ou encore à un bailleur social. La qualité de la terre et l’ensoleillement par exemple sont évidemment des facteurs à prendre en compte. Les jardins partagés sont généralement situés dans des friches urbaines ou alors sur les toits ou dans les cours des immeubles. Lorsque les procédures administratives pour utiliser la parcelle choisie sont terminées, le groupe fondateur impulse concrètement le projet et lui donne un cadre : mise en place d’une association, principes d’utilisation du matériel partagé… Le jardin est alors prêt à accueillir des jardiniers en herbe ou plus expérimentés. L’entretien d’un jardin (semis, plants, arrosage…) demande du temps et du savoir-faire. Il est nécessaire de faire preuve de patience avant de récolter les fruits de ce travail collectif. Plusieurs mois, et même parfois plusieurs années, peuvent s’écouler avant d’observer une dynamique locale positive entraînée par la présence du jardin partagé.

 

Jardins partagés et économie locale : quels liens ?  

L’agriculture urbaine ne vise pas les mêmes objectifs que l’agriculture classique. Si elle peut contribuer à fournir des fruits et légumes à quelques habitants, elle n’a pas vocation à couvrir les besoins alimentaires de la population. Néanmoins, en offrant aux citadins la possibilité de retrouver le lien avec la nature, les jardins partagés sont un outil de sensibilisation à une alimentation saine et aux circuits courts. En cela, ils constituent un soutien au développement d’une agriculture plus locale.

Aujourd’hui, les jardins partagés ont également inspiré des acteurs privés. L’entreprise Ciel mon radis !, par exemple, s’est spécialisée dans la mise en place de potagers dans les entreprises, améliorant ainsi le cadre de vie des salariés et leur qualité de vie au travail. La société Peas & Love s’adresse quant à elle aux particuliers désireux de devenir des jardiniers du dimanche avec la location de parcelles de 3 m² au sein de jardins urbains installés sur les toits. L’entreprise propose des initiations au maraîchage urbain pour faire connaître aux locataires les principes de la culture hors-sol.

Les bâtiments sont de plus en plus nombreux à être végétalisés, à l’instar du Musée du Quai Branly. Les murs végétalisés offrent en effet une meilleure isolation phonique et thermique. Les toitures végétales, quant à elles, évitent de saturer les réseaux d’assainissement en période de fortes pluies en recueillant les eaux de ruissellement. Elles sont également porteuse de belles perspectives de production agricole verticale. L’entreprise Sous les fraises a ainsi installé 1 200 m² de culture sur les 500 m² des toits des Galeries Lafayettes à Paris.

 

Les racines du succès d’un jardin partagé

Le succès de la reconversion d’une friche urbaine en jardin partagé repose sur les relations que celui-ci réussit à créer en son sein mais également avec son environnement immédiat :

  • Partage des sols et des compétences : les jardins partagés sont des lieux d’innovation sociale, dont la vocation est de créer des liens. Ils sont ouverts à tous, même si on ne sait pas jardiner. Ce sont également des lieux d’apprentissage, où chacun peut transmettre ses savoirs et savoir-faire aux autres. En cela, il est important, au moment de l’aménagement, de penser non seulement à l’organisation du jardin mais aussi à la création d’espaces de convivialité.
  • Accueil de tous les publics : les jardins partagés regroupent des jardiniers débutants ou confirmés venus de tous horizons. Ce sont des espaces de rencontres intergénérationnelles et interculturelles pour les habitants d’un même quartier. Les jardins partagés ne sont pas découpés en parcelles individuelles, ce qui favorise les échanges et la collaboration.
  • Ouverture sur la ville : les jardins partagés ont un rôle d’éducation, d’insertion et de création du lien social. C’est pourquoi de plus en plus de jardins partagés nouent des partenariats avec les collectivités territoriales. La Mairie de Paris a ainsi mis en place la Charte Main Verte pour soutenir les jardins partagés. Les associations signataires s’engagent alors à adopter une gestion écologique du jardin, à ouvrir leurs portes au grand public au moins deux demi-journées par semaine (dont une le week-end) et à organiser au moins un événement public par saison de jardinage. Certains jardins partagés deviennent des lieux de partage en ouvrant leurs locaux pour la tenue d’ateliers ou en proposant des interventions pour les élèves des écoles de la ville.